Résumé
RESUME EXECUTIF
CONTEXTE ET JUSTIFICATION
Après quatre décennies de relative prospérité économique, la Côte d'Ivoire a connu une situation politique instable depuis le coup d'état militaire du 24 décembre 1999. Le 19 septembre 2002, une deuxième tentative de coup d'Etat s'est transformée en une rébellion armée qui a aboutit à la partition du pays en deux zones : le Sud, sous contrôle gouvernemental et le Nord occupé par les ex-rebelles ou Forces Nouvelles (FN), séparées par une zone tampon dite « zone de confiance ». Le 4 mars 2007, les deux principaux protagonistes de la crise ivoirienne ont signé l'accord politique de Ouagadougou (APO). Cet accord qui crée les conditions de retour à une paix durable a permis au pays de normaliser ses relations avec la communauté internationale. Après plusieurs reports, la date des élections présidentielles a été finalement fixée pour Novembre 2009. Le pays traverse actuellement une situation économique difficile et la plupart des indicateurs socio-économiques ce sont fortement dégradés au cours de ces dernières années. Le taux de pauvreté est passé de 38,4% en 2002 à 48,9% en 2008. En espace d'une génération, le nombre de pauvres a été multiplié par 10 avec une forte progression en milieu rural et dans la ville d'Abidjan. Les évaluations disponibles dans le pays montrent une situation alimentaire et nutritionnelle très précaire dans le nord et l'ouest du pays. Les interventions du PAM dans le pays couvrent les programmes de réhabilitation et de protection des moyens de subsistance, les cantines scolaires et les programmes de santé-nutrition. C'est dans ce contexte que le Gouvernement Ivoirien à travers le Ministère de l'Agriculture a adressé une requête pour que le PAM et la FAO lui apportent un appui technique et financier pour la réalisation d'une enquête sur la situation alimentaire des ménages ruraux.
METHODOLOGIE DE L'ENQUETE
L'enquête couvre uniquement le milieu rural et est statistiquement représentative de chacune des 19 régions administratives. Elle a procédé par un sondage aléatoire stratifié à deux degrés. Les strates sont constituées des 19 régions administratives. Dans chaque strate, 21 districts de recensement (DR) sont tirés proportionnellement à la taille au premier degré et 12 ménages sont aléatoirement tirés au second degré dans chaque DR. Au total, 252 ménages sont enquêtés dans chaque strate. Ce qui conduit à une taille globale de 4788 ménages à l'échelle nationale. L'ensemble des données a été pondéré par un coefficient d'extrapolation.
LIMITE DE L'ETUDE
Elle ne couvre pas le milieu urbain. L'approche est basée uniquement sur la fréquence et la diversité alimentaire et non sur les quantités consommées même s'il est démontré que les deux indicateurs sont très corrélés.
COMBIEN DE MENAGES SONT EN INSECURITE ALIMENTAIRE?
Sur le plan national, 12,6% des ménages ruraux sont en insécurité alimentaire dont 2,5% sont dans une situation d'insécurité alimentaire sévère et 10,1% dans une situation d'insécurité alimentaire modérée. Si l'on rapporte ces proportions à la population rurale, l'insécurité alimentaire toucherait environ 1.269.549 personnes dont 232.602 personnes en insécurité alimentaire sévère. Cette situation montre que d'une manière générale que sous certaines réserves, la situation alimentaire des ménages ruraux s'est dégradée si l'on se réfère aux évaluations précédentes. L'analyse de la diversité de la consommation alimentaire des enfants de 6 à 23 mois montre que environ 2 enfants sur 3 de cette tranche d'âge a une alimentation pauvre et non diversifiée. La mauvaise alimentation chez les jeunes enfants peut être à l'origine des problèmes de malnutrition. De même on a noté que la qualité de l'alimentation des enfants et celle de son ménage sont intimement liée.
LES REGIONS LES PLUS AFFECTEES PAR L'INSECURITE ALIMENTAIRE
Les taux d'insécurité alimentaire sévère les plus élevés sont enregistrés dans les régions suivantes :
Moyen Cavally (11,9%) ; Montagne (7,2%) ; Bafing (5,6%) ; Fromager (5,5%) ; Savane (3%) ; Zanzan (2,7%) ; Bas Sassandra (2,6%).
L'insécurité alimentaire modérée touche davantage plus les régions suivantes : Bafing (24,3%), Bas Sassandra (18,9%), Moyen Cavally, Montagne (16,1%), Savane (14,3%), Haut Sassandra (11%), Zanzan (10,5%).
Les régions qui affichent des taux d'insécurité alimentaire sévère et modérée les plus élevés sont les suivantes: Bafing (29,9%) ; Moyen Cavally (29,1%), Montagne (23,3%), Bas Sassandra (21,5%), Savane (17,3%), Zanzan (13,2%), Fromager (13,2%) .
La qualité de l'alimentation des jeunes enfants est beaucoup plus faible dans les régions du nord, de l'ouest et du sud ouest du pays. Ces zones étant également celles où les taux de malnutrition des enfants de moins de 5 ans sont les plus élevés d'après les résultats des enquêtes disponibles.
QUELLES SONT LES CATEGORIES DE MENAGES LES PLUS TOUCHEES ?
Les catégories socio professionnelles de ménages les plus touchés sont tout d'abord les travailleurs journaliers, les ménages dépendants de l'agriculture vivrière de subsistance et les éleveurs. Ces catégories de ménages présentent des taux d'insécurité alimentaire au-dessus de la moyenne nationale. Ensuite viennent les ménages dont les sources de revenu ne sont pas déterminées, ceux dépendants de l'agriculture de rente ainsi que ceux dépendants de l'artisanat ou de petits métiers. Les ménages exerçant le petit commerce et les salariés sont les moins touchés. De plus l'analyse des données collectées montre que les ménages les plus pauvres présentent des niveaux d'insécurité alimentaire significativement plus élevés. En outre l'analyse selon le genre révèle qu'il existe une faible différence mais statistiquement significative selon le genre : les ménages ayant des femmes à leur tête tendent à présenter un niveau d'insécurité alimentaire plus élevé. Le niveau d'insécurité alimentaire des ménages semble être également lié au niveau d'instruction de son chef. Le taux d'insécurité alimentaire est deux fois plus élevés parmi les ménages dont le chef n'a aucun niveau d'instruction ou tout au plus primaire que parmi les ménages dont le chef a un niveau d'instruction secondaire ou supérieur.
QUELQUES CAUSES DE L'INSECURITE ALIMENTAIRE EN CÔTE D'IVOIRE
La disponibilité alimentaire ne semble pas constituer un problème majeur dans le pays. En dehors du riz et de la farine de blé, le pays est autosuffisant pour la plupart des produits de grande consommation. Le pays couvre ses besoins en tubercules et banane plantain qui constituent avec les céréales l'alimentation de base de la population contribuant à plus de 65% des apports en calorie. L'insécurité alimentaire en Côte d'Ivoire est essentiellement liée aux problèmes d'accès à la nourriture en raison du faible pourvoir d'achat et de la pauvreté. La crise que traverse le pays a contribué à dégrader les conditions de vie des ménages et affaibli considérablement leurs moyens de subsistance et leur capacité à faire aux chocs. De plus la conjoncture mondiale défavorable, la hausse des prix des denrées alimentaires et des principaux facteurs de production combinés avec des problèmes structurels que connaît la plupart des filières agricoles notamment le coton, le café et le cacao ainsi que le secteur de l'agriculture vivrière ont contribué à la dégradation des conditions de vie des ménages au cours de ces dernières années. Dans les zones de conflit, les problèmes d'insécurité et de déplacements des populations y ont également contribué. En outre plus d'un ménage sur deux (56,5%) ont été affectés par des chocs divers au cours des 12 derniers mois et 47,4% des ménages sont endettées dont 20,3% pour des raisons alimentaires.
FACTEURS DE RISQUE
La situation alimentaire décrite dans le présent rapport traduit celle qui prévaut au moment de l'enquête et de ce fait est évolutive. Plusieurs facteurs de risque, s'ils adviennent peuvent contribuer à une dégradation rapide de la situation alimentaire et nutritionnelle dans les prochains mois : i) une conjoncture économique mondiale toujours défavorable, ii) des prix des denrées alimentaires de base continuent d'augmenter, iii) la détérioration des termes de l'échanges cultures de rente/vivrier et bétail/vivrier iv) la baisse des transferts d'argent des migrants, vi) l'instabilité politique.
RECOMMANDATIONS POUR LES INTERVENTIONS ET PROGRAMMES
En raison de la persistance de l'insécurité alimentaire dans certaines régions du pays, l'assistance alimentaire pourrait se focaliser sur les actions de réhabilitation et de protection des moyens de subsistance en vue de contribuer aux efforts de reconstruction et de lutte contre la pauvreté. De ce fait le cadre défini dans le document de stratégie de réduction de la pauvreté doit constituer la référence pour ces interventions.
· L'assistance alimentaire
Bien que la situation actuelle ne nécessite pas une intervention d'urgence, l'assistance alimentaire reste pertinente sous certaines conditions pour certaines catégories de la population. Elle pourrait jouer un rôle de réhabilitation et de protection des moyens de subsistance et constituer un levier pour les actions de développement de long terme. Les interventions alimentaire doivent être poursuivies à travers les activités de vivres contre travail, de vivres contre formation, de cantines scolaires, de prévention et de réhabilitation nutritionnelle des enfants et des femmes enceintes et allaitantes ainsi que l'appui aux personnes souffrant du VIH/SIDA. Cependant les zones d'intervention, la forme, la période ainsi que les critères d'inclusion de ces différents programmes doivent être soigneusement étudiés et définis d'un commun accord avec le gouvernement, les partenaires et au besoin les bailleurs de fonds.
· L'assistance non alimentaire
La relance du secteur de la production vivrière reste une des priorités du gouvernement et de ce fait doit trouver un écho favorable auprès des bailleurs, des institutions des nations unies et des ONG. Beaucoup d'agriculteurs pauvres font face à des problèmes de semence et d'intrants. Des programmes d'appui à l'agriculture vivrière devraient mettre l'accent sur la fourniture de semences et d'intrants de qualité avec comme priorité les zones les plus affectées par l'insécurité alimentaire. Le secteur agricole d'exportation souffre également de manque d'encadrement, de formation et d'organisation des filières. Des programmes d'achats locaux sous certaines conditions peuvent être également envisagés dans certaines zones spécifiques pour assurer un meilleur prix rémunérateur aux producteurs et inciter à la production. Les transferts monétaires sont également envisageables pour répondre plus efficacement à la problématique de l'insécurité alimentaire en milieu urbain et compte tenu du fait que les problèmes liés à l'accès économique sont prédominants.
· Autres recommandations d'ordre général
Mettre en place des filets sociaux de sécurité pour la protection des pauvres et des populations vulnérables. Les filets sociaux contribuent non seulement à sauver des vies mais aussi à consolider les moyens d'existence et promouvoir le développement à plus long terme. Le défi principal est de concevoir un système de filets sociaux efficace et de fournir les fonds adéquats pour garantir sa soutenabilité. Le renforcement des capacités des institutions étatiques partenaires doit occuper une place importante dans la stratégie d'intervention du PAM en Côte d'Ivoire dans un contexte de paix retrouvée et de reconstitution nationale. Dans le cadre de l'extension des activités du CILSS aux pays côtiers, le gouvernement devrait mettre en place un système d'alertes précoces. La mise en place d'un système d'alertes précoces reste très pertinente dans le nord du pays en raison des fortes variations climatiques et des problématiques de sécurité alimentaire proches de celles du sahel. Le PAM devrait jouer un rôle important dans cette initiative.